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rue crazy, maison des nouvelles
27 avril 2010

Chat échaudé (partie 4 sur 4)

VI

Le quinze août était maintenant passé. Tous les enfants de la rue étaient revenus de vacances, ou presque. Une fille de neuf ans et son frère de sept ans, qui devait se retrouver dans la même classe qu’Evan, ne reviendraient que la veille de la rentrée des classes. C’etait comme ça tous les ans. De toute façon leurs parents ne les laissaient pas sortir pour autre chose qu’aller à l’école. Et encore, ils les emmenaient eux-mêmes en voiture alors que l’école était à deux cents mètres sur le même trottoir. Mathys racontait tout ça à Evan d’un air triste parce que lui et tous les autres de gang considéraient Solange et Jeremy comme deux victimes de la dictature parentale parce qu’ils étaient sympa tous les deux à l’école. Surtout Solange que Mathys semblait particulièrement apprécier.

Le gang des Elfes était donc au complet. Pendufiil leur avait annoncé que dès le lendemain ils allaient commencer les entraînements. Les deux garçons étaient seuls pour le moment. Ils étaient assis sur le muret de trente centimètres qui entourait le jardin de Mathys. Le soir tombait et les autres étaient tous rentrés dîner. Eux avaient la soirée en répit parce que les parents de Mathys avaient invité ceux d’Evan à un BBQ dans leur jardin. Comme les parents étaient à moins de dix mètres en train de discuter de sujets sans intérêt comme aiment les adultes – la guerre au moyen orient, l’économie internationale et ses délocalisations, la politique sociale du gouvernement, et autres fadaises qui ne mènent à rien – les garçons avaient le droit de rester dehors cette nuit. A condition qu’ils ne s’éloignent pas et restent à portée de vue d’au moins un parent.

La rue étant éclairée et le soleil n’étant pas encore tout à fait couché ce n’était pas compliqué de leur faire plaisir tout en respectant une distance suffisante pour permettre d’avoir une discussion sérieuse sans être interrompu tout le temps.

-      Tu crois que c’est quoi son entraînement ?

-      Je ne sais pas. J’ai lu dans les bouquins de mon père que les elfes avaient de très vieilles techniques de combat secrètes. Et puis, ils ont des arcs et des épées. J’aimerais bien apprendre à me servir d’une épée. Comme ça je pourrais aller avec à l’école tous les jours.

-      Pourquoi faire ? La maîtresse te la confisquerait.

-      La maîtresse est une espionne Orc.

-      Pourquoi tu dis ça ? Tu la connais même pas.

-      Tous les profs viennent de sous la terre. J’en suis sur.

-      Peut-être. Mais toi tu vas avoir mademoiselle Adelon cette année et je peux te dire que si elle travaille pour les Orcs ils vont avoir beaucoup de gens qui vont vouloir les aider.

-      Pourquoi ?

-      Parce qu’elle est trop jolie.

-      Jolie ? Bonne, tu veux dire ?

Mathys asséna un coup de coude à son camarade, et l’appuya d’un regard le plus dur qu’il pouvait faire.

-      Pas du tout. Elle est jolie. Mme Gretz qui fait les grandes classes elle est bonne. C’est pas pareil. Tu vas voir la tête de ton père quand il va voir ta maîtresse. L’année dernière mon père venait me chercher tous les soirs et je suis sur que c’est pas parce qu’il avait peur que je me perde, vu que je rentrais toujours tout seul pendant qu’il discutait avec elle.

-      Ho ! Si mon père fait ça ma mère va pas aimer ça !

-      La mienne a pas aimé non plus et elle a pourri mon père pendant tout un week-end en Normandie. Après il venait plus me chercher à l’école.

-      Pourtant elle a l’air gentille ta mère.

-      Tu dis ça parce que t’es le voisin. C’est pas le même cirque à la maison. Elle est chef à son bureau alors elle est chef aussi à la maison. Papa lui il est artiste. C’est pas pareil. La vie pour lui c’est moins compliqué. Il se prend pas la tête.

-      Il fait quoi comme art ?

-      Il écrit des musiques pour des pubs, des jeux vidéo pour les téléphones portables et tout ça. Ma mère dit que c’est le spécialiste des musiques agaçantes. Mais je crois qu’elle dit ça pour l’emmerder. Elle s’est quand même mariée avec lui.

-      N’empêche que je me demande bien ce qu’ils vont nous apprendre. Et puis, ou est-ce qu’on va faire ça. Tu crois que les parents vont rien remarquer si on se met tous à jouer avec des épées au milieu des jardins ou dans la rue ?

-      Ben, je sais pas moi. On verra demain. J’ai faim. J’irais bien chercher des merguez et du pain. Tu viens.

-      Ok !

La soirée se déroula sans anicroche bien que les enfants aient craint à tout moment voir surgir des elfes et des orcs se bastonnant au milieu de la rue. Pendufiil et ses amis avaient dit que les parents ne les voyaient pas mais qu’ils pourraient percevoir les effets de leur présence et même si cette définition n’était pas bien claire pour les deux garçons ils comprenaient bien qu’une bataille au milieu de la rue ne passerait pas inaperçue très longtemps si elle se faisait devant spectateurs.

Toutes ces histoires de batailles commençaient à leur peser. Evan regrettait même d’avoir trouvé cette formule qui avait fait venir les elfes, et les orcs par la même occasion. Mais ce soir la vie avait de nouveau l’air facile, comme avant toute cette histoire. Comme avant le déménagement. Evan profitait de ce répit en se demandant si ça n’allait pas être le dernier. Bien sur, il n’avait que sept ans mais même les enfants de cet age sont capables de percevoir ces moments de la vie ou tout peut basculer. Eux aussi peuvent avoir peur, même s’ils ne comprennent pas toujours pourquoi.

VII

-      Bien. Nous n’avons pas beaucoup de temps. Nous n’allons pas pouvoir vous apprendre grand chose mais sachez que ce que vous retiendrez peut vous sauver la vie au moment décisif.

L’instructeur elfe avait aligné les enfants sur une rangée et ils s’étaient tous mis au garde à vous instinctivement quand il avait commencé son discours.

Il longeait cette ligne d’enfants par l’avant et par l’arrière en changeant de direction sans prévenir. Les enfants étaient tous très impressionnés. Ca ne ressemblait plus du tout à un jeu. Ca n’avait plus rien d’amusant. Khalid aurait bien voulut rentrer chez lui et faire comme si il n’existait pas en se cachant dans sa chambre jusqu’à la rentrée des classes. Après tout, ça ne faisait que deux semaines à attendre. La télévision et la console de jeux lui suffiraient pour tenir la distance.

Tous les enfants, maintenant au nombre de huit, n’étaient pas loin de ressentir la même chose. Malheureusement pour eux, ils n’étaient plus sur terre. Les elfes leur avaient fait passer la porte entre les mondes. Celle qui se trouvait au fond du jardin de Khalid, derrière la cabane de son père.

Ils avaient trouvé de l’autre coté, une magnifique clairière au milieu d’une forêt qui semblait sortie d’un conte de fées. Et autour de la clairière des dizaines d’elfes en armures.

Ils avaient l’air de leur avoir préparé un mini camp d’entraînement.

-      Nous n’allons pas vous apprendre à vous servir d’armes. Utiliser correctement un arc ou une épée, ou même une simple dague demande des années d’entraînement, même à un elfe et nous n’avons que quelques jours. Nous allons juste vous apprendre à survivre sur un champ de bataille. En espèrent que cela vous soit utile.

-      Nous n’aimons pas mêler des enfants à des batailles telles que celle qui va avoir lieu, intervint une elfe en robe, la seule à ne pas porter d’armure dans toute l’assemblée. Mais il s’agit là d’une bataille pour votre territoire et il est impossible que vous ne participiez pas à sa défense. Nous essaierons toutefois de vous sauvegarder pour que vous rentriez chez vous indemnes, en plus de victorieux. Mais bien que nous soyons des elfes nous ne faisons pas de miracles alors soyez réellement très prudents et très attentifs à ce que vous allez apprendre durant ces prochains jours.

Les enfants eurent droit à toutes sortes d’enseignements. On leur apprit à reconnaître les insignes militaires chez les elfes et les orcs, ainsi que les armes utilisées par les deux camps. Ils durent se soumettre à des exercices physiques qu’ils trouvèrent très désagréables. Même les garçons qui disaient toujours être sportifs avaient du mal et ne le cachaient pas très longtemps.

Pendant dix jours, ils vécurent un véritable enfer mais bizarrement aucun n’eut le courage d’abandonner. Ils revenaient tous les matins, parfaitement conscient que la journée allait être dure, sûrement pire que celle de la veille mais une sorte de mauvais sort les obligeait quand même à se lever et à rejoindre les elfes dans leur monde pour y subir l’entraînement.

D’aucun se dirait que ces gosses devaient être épuisés, meurtris à force d’exercices pénibles mais les elfes avaient des médecines très puissantes qu’ils leur administraient chaque fois avant de les renvoyer dans leur monde. Pas la moindre courbature, pas la moindre douleur. Même pas une fatigue supérieure à celle engendrée traditionnellement par une journée de jeux avec les copains.

Les parents n’y virent que du feu et même les enfants commençaient à se poser des questions.

-      Tu crois que tout ça existe vraiment ? Demanda un soir Evan à Mathys.

-      Pourquoi ? Tu crois qu’on rêve tous les jours et qu’on fait tous le même rêve. Parce que moi j’ai pas l’impression de rêver. Et puis qu’est ce qu’on ferait toute la journée si on n’est pas chez eux. Tu crois qu’on est tous derrière la cabane à Khalid et qu’on dort. Qu’on se réveille juste pour aller manger ou quand l’un de nous est appelé par ses parents. Moi je crois que tout ça est vrai.

-      Alors ça fait peur !

-      Non, ce qui fait peur c’est que j’ai entendu les elfes discuter entre eux. La grande bataille est prévue pour jeudi prochain.

-      Et alors ?

-      Jeudi prochain c’est le jour de la rentrée.

-      Merde. Qu’est-ce qu’on va faire ?

-      Je ne sais pas mais je crois qu’ils ont prévu ça pour le soir sur le stade derrière le lotissement. C’est une zone neutre. Elle est pas sur notre territoire, ni sur celui des Orcs.

-      Alors plus que cinq jours.

-      Oui.

-      Tu crois qu’on va mourir.

-      Non. On est les plus forts.

-      Alors les mecs du gang de la rue des orcs vont mourir

-      Je sais pas. On verra. Allez. ! A demain.

-      Ouais, à demain.

VIII

Le petit déjeuné avait un drôle de goût ce matin. C’était la rentrée des classes.

Les parents avaient bien remarqué le visage de leur fils. Il semblait accablé par le sort. Ils avaient mis ça sur le compte de cette nouvelle aventure. Une nouvelle école, encore de nouvelles têtes. Bien sur il s’était fait des copains dans le quartier mais ils ne savaient pas si certains allaient être dans sa classe. Ils ne s’étaient pas vraiment renseigné et n’avaient pas voulu embêter Evan avec de telles questions. Ils se souvenaient encore – peu mais suffisamment – de leurs propres rentrées des classes et savaient pertinemment que ce n’était pas leurs plus agréables souvenirs.

-      Allez mon gars. Ca va bien se passer ! Avait dit maman pour essayer de le réconforter au moment de sortir de la maison. J’ai été voir ta maîtresse avant hier et elle a l’air super cool. Je suis sûre que même ton père va l’adorer.

-      Je sais.

-      Comment ça tu sais. Ton père la connaît déjà ?

-      Non non, je disais juste que je sais qu’elle est super cool. C’est tout !

Evan n’avait pas compris que sa mère l’avait fait marcher. Certaines plaisanteries sont hors de portée d’un enfant de sept ans, même s’il est aussi éveillé et intelligent qu’Evan.

Le chemin de l’école était court. En fait l’école était juste après la grande pelouse qui servait aussi de stade aux enfants et aux adolescents quand une partie de foot ou de rugby s’organisait à l’improviste.

Evan n’osait pas regarder l’herbe verte et les massifs de fleurs. Il pensait trop à ce qui allait se dérouler ce soir à cet endroit.

Il avait peur.

Comme toutes les mères, celle d’Evan resta dans un coin de la cour d’école pendant un long moment en observant son fils rejoindre sa classe à l’appel de son nom puis suivre tout le monde vers une salle de cours. Une fois les enfants rentrés les parents se dispersèrent tout doucement. Pour certains c’était aussi une sorte de rentrée. Ils ne s’étaient pas vu de l’été et se racontaient leurs vacances respectives. D’autres devaient aller d’urgence au boulot alors ils se contentaient de saluts polis avant de monter dans leurs voitures ou de partir d’un pas pressé en direction de la gare ou de l’arrêt de bus.

Comme toutes les premières journées celle-ci ne fut pas très chargée en cours. Les enfants comme Evan, qui étaient nouveaux dans l’école –et ils étaient nombreux – avaient droit à une visite complète de l’école. La cantine, les salles de jeux intérieures pour les jours où il ferait trop mauvais temps pour laisser les enfants jouer dans la cours, les salles d’étude ou ceux dont les parents travaillent tard pourront faire leurs devoirs en attendant qu’on vienne les chercher, l’infirmerie. Bref, un vrai tour du propriétaire effectué par petits groupes.

Evan avait aperçu Mathys dans sa classe. Il lui avait fait un discret signe de tête auquel l’autre avait répondu d’un clin d’œil et d’un sourire. Mathys semblait avoir plus le moral qu’Evan.

La journée de classe touchait à sa fin.

Evan retrouva sa mère à la sortie de l’école. Le premier jour beaucoup de parents étaient là aussi pour venir chercher leur progéniture.

Elle le questionna sur sa journée. Il fit semblant d’être enthousiaste. Il n’avait pas vraiment fait attention à ce qu’on lui avait montré et sa mère s’en rendit compte. Elle ne dit rien et joua le jeu, persuadée que tout rentrerait dans l’ordre rapidement. Ses copains d’avant devaient lui manquer, son ancienne école, il réalisait maintenant qu’ils n’étaient pas venus que pour les vacances…

Evan regagna sa chambre presque immédiatement après être rentré. Les elfes leur avaient donné rendez-vous pour cinq heures. Il était quatre heures.

Cinq heures arriva vite et trouva Evan en train de ranger sa chambre pour la troisième fois consécutive. Il cherchait la façon la plus intelligente d’organiser son bureau pour bien travailler. C’est, en tout cas ce qu’il avait raconté à sa mère qui s’inquiétait de le voir ainsi affairé.

Lorsque cinq heures sonna, il descendit les marches et alla rejoindre sa mère dans le salon. Elle jouait sur l’ordinateur. Il alluma la télé et s’assit tout contre elle pour regarder une chaîne de dessins animés.

Il ne voulait pas penser à ce qu’il était en train de faire.

Il abandonnait ses copains !

IX

Sur une pelouse à l’herbe immobile, faute de vent, deux groupes se faisaient face. L’un était constitué d’elfes, l’autre d’orcs. Les orcs étaient beaucoup plus nombreux, une cinquantaine en tout, alors que les elfes n’étaient pas plus de dix.

Les deux groupes étaient immobiles.

Le silence régnait partout. Même les orcs se tenaient tranquilles, contrairement à leur habitude.

Chacun des groupes regardait vers sa droite, dans le vide.

Le chef des elfes se dirigeât vers le chef des orcs, qui se déplaça également vers lui.

-      Je crois que nous ne nous battrons pas ce soir mon ami !

-      Oui. Nous avons réussi à suffisamment les effrayer pour qu’ils n’aient plus envie d’en découdre avec qui que ce soit pendant un long moment.

-      Nous devrions utiliser cette technique plus souvent.

-      Oui. Les hommes doivent comprendre qu’il n’y a pas de salut par la guerre. Mais je crois qu’on va avoir beaucoup de travail à faire encore.

-      Oui. Mais, au moins celui-ci est terminé. Je crois que nous pouvons refermer les portails et rentrer chez nous.

-      Hum ! A la prochaine !

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